Une de trop

Cette année-là, nos vacances d'été avaient un goût de nouveauté. Après la digestion, plutôt que de nous diriger vers la rivière avec nos serviettes autour du cou, nos tongs aux pieds et nous goûters dans l'estomac, nous enfourchions nos vélos dans la direction opposée de l'eau douce et fraîche pour la piscine.

Celle de l'un de nous, que ses parents avaient installée sur le sol dur du bord de la vigne en contrebas de la route.

Certes, elle n'était pas olympique. Certes, elle empestait le chlore. Certes, on ne devait ni sauter, ni plonger, ni nous amuser à nous couler. Certes, nous devions nettoyer nos pieds dans la bassine sous l'échelle avant d'entrer dans l'eau.

Mais c'était la piscine. Et j'avais le droit de m'y baigner. Car j'ignore encore pourquoi aujourd'hui, mais ma présence n'a jamais été souhaitée dans cette campagne juste avant le village.

Alors j'en savourais d'autant plus le privilège et me pliais bien volontiers à ce lourd cahier des charges.

Une baignade, puis deux et à chacune des suivantes, la surveillance parentale se faisait plus pesante.

Un jour, alors que l'on se baignait aussi sagement que possible, il a été soudain question de revenir au village en faisant la course à vélo.

Piquée au vif car à l'époque, j'avais l'esprit de compétition, me voilà partie en tête. Je n'avais pas le vélo de course, à vitesses comme au Tour de France, j'étais la plus petite de la bande, mais j'étais en tête.

Ce n'est qu'au pont juste avant l'entrée du village que je me suis arrêtée. Je ne les entendais plus derrière moi. Et pour cause, ils n'y étaient pas. Ils avaient attendu le premier virage pour faire demi-tour et retourner se baigner.

Les parents du chanceux et sa piscine avaient décrété qu'il fallait être un de moins dans l'eau pour éviter que la tôle et le liner ne se déforment ou s'abîment.

Personne ne souhaitait être le baigneur de moins. Alors j'ai été désignée celle de trop. D'office. À mon insu.

Comme à l'école. C'est là aussi que j'ai continué de me convaincre que le problème, c'était moi.

Depuis ce jour, je ne peux plus rester dans l'eau plus de 5 minutes. Chaude ou froide, je suis glacée. Et je déteste les courses.

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